Le Tour du monde des droits des enfants

Le tour du monde des droits 9/9 : l’Afrique du Sud

Nous finissons notre tour du monde en vous présentant la situation des enfants en Afrique du Sud. Bonne lecture !

L’Afrique du Sud, classée 131°.

« La vie est un monstre si laid
Qu’à le voir on le hait ;
Mais à trop voir son visage, on s’y fait ; 
On le supporte, on le plaint, on s’y livre »

Alexander Pope

La situation de l’Afrique du Sud

L’Afrique du Sud est un territoire de forte diversité culturelle, c’est pourquoi il est couramment appelé « un monde dans un pays ». D’une superficie d’environ 1,22 millions de km2 pour 55,2 millions d’habitants, la situation des droits de l’enfant est protéiforme tant cet espace est multi fragmenté.

Divisé entre des zones urbaines relativement sophistiquées et des zones rurales extrêmement pauvres, l’espérance de vie est de 56,9 ans, la mortalité des moins 5 ans y est de 3,4 % et son indice de concrétisation des droits de l’enfant est de 7,07/10. La convention internationale relative aux droits de l’enfant a été ratifié le 16 juin 1995.

Après deux mandats du Président Jacob Zuma de 2009 à 2018, enlisés dans des scandales de corruption et d’enrichissement personnel, la mauvaise administration a conduit le pays à servir une élite plus que sa population. « Les institutions ont été émasculées, la politique gouvernementale pervertie et les fonctionnaires corrompus pour enrichir Zuma et sa cabale ».

Au lendemain de cette crise, beaucoup de Sud Africains étaient au moins d’accord sur une chose ; l’élection du milliardaire Cyril Ramaphosa rendait peu probable le vol de la population. Mais souhaiter la fin de deux mandats de corruption n’était pas suffisant, ce sont des réformes structurelles que le pays doit engager dans un contexte post apartheid dont les enfants sont évidemment victimes. 

Le long de la route menant à Pretoria capitale administrative du pays, des « townships » bordent un côté du trottoir, tandis qu’à quelques mètres en face se dressent de riches habitations. L’Afrique du Sud est un pays de contrastes où extrême pauvreté et richesse s’ignorent.

Si la convention doit être perçue moins comme une stricte obligation que comme un objectif vers lequel tendre, ce sont cependant encore 64% des enfants sud africains qui vivent dans le dénuement ; la province de Limpopo étant la région la plus touchée par la pauvreté.

L’article 27 de la CIDE dispose en effet du droit de l’enfant à un niveau de vie suffisant pour son développement physique, mental, spirituel, moral et social. Mais ce sont encore 4 enfants sur 10 qui n’ont pas accès à l’eau courante. Ainsi, une grande majorité d’enfants, principalement ceux de l’Eastern Cape, dépendent de l’eau de pluie, des ruisseaux et des rivières insalubres. 

Les facteurs des inégalités de scolarisation

Dans un rapport de février 2020, Amnesty international qualifie le système scolaire de défaillant et inégalitaire.

Pour comprendre de telles inégalités, il faut revenir sur la politique raciale de l’apartheid, laquelle était fondée notamment sur une bipartition de l’espace entre noirs et blancs. Les écoles des cantons et zones rurales noires manquaient de ressources tandis que la communauté blanche disposait de moyens suffisants pour financer ses écoles. Après 1994 une nouvelle classe moyenne noire vit le jour, et migra dans les banlieues blanches. Ces derniers pouvaient désormais envoyer leurs enfants au sein d’écoles mieux dotées, mais ce n’était toujours pas le cas des milieux noirs aux revenus précaires. La qualité de l’enseignement qu’un enfant reçoit en Afrique du Sud dépend donc encore largement de son lieu de naissance et sa de couleur de peau, mais davantage aujourd’hui de la situation économique de sa famille. Le droit à l’éducation porté par l’article 28 de la CIDE n’est donc pas garanti pour tous de la même manière. 

Pinkie Letimela enseignante en Afrique du Sud relève qu’un autre aspect du problème réside dans le langage, puisque le pays dispose de 11 langues officielles. Les professeurs des écoles dites noires doivent composer avec différentes langues maternelles, ce qui soulève des difficultés d’ordre pratique. Outre le fait qu’un enseignement en anglais contribuerait à la disparition des langues des populations autochtones, il n’est pas chose aisée dans la mesure où les écoliers n’apprennent l’anglais que plus tardivement. Les enfants blancs n’éprouvent pas les mêmes difficultés puisqu’ils disposent d’une seule langue à savoir l’Afrikaans.

Quel progrès?

L’Afrique du Sud est considérée comme « le pays le plus développé » d’Afrique, mais de quel développement parle-t-on ? L’entrée du pays dans la mondialisation a fait émerger une économie à deux vitesses au détriment du particularisme des populations autochtones. Si la Convention Internationale des droits de l’enfant prône un accès à l’éducation, celui-ci est dessiné par les institutions dominantes pour les populations majoritaires. Ce mode d’apprentissage participe à la désuétude des savoirs, des traditions ainsi que des langues des populations autochtones. Notre système éducatif est basée sur l’alphabétisation comme le rappelle l’article 28 de la CIDE, mais la culture orale des populations autochtones constitue également un mode de transmission du savoir. 

Dans Pour Comprendre les média, Marshall Mc Luhan qualifie la parole de médium froid de faible définition, parce que l’auditeur reçoit peu et doit beaucoup compléter. Les médias chauds (comme l’écriture) ne laissent à leur public que peu de blancs à remplir ou à compléter. Les média chauds découragent donc la participation et l’achèvement alors que les média froids l’encouragent. Ces propos rappellent l’importance de préserver et pérenniser une culture orale. Dans cette perspective, le système éducatif porté la CIDE et relayé par l’Etat est-il légitime à s’imposer de la sorte ?

« Inconscients de nos préjugés culturels typographiques, nos examinateurs présument que les habitudes d’uniformité et de continuité sont des critères d’intelligence, éliminant ainsi l’homme auditif et l’homme tactile », cette phrase de Mc Luhan écrite en 1964 retentit comme un avertissement fort d’actualité. Une chose est certaine, la grille de lecture proposée par la convention pour évaluer le niveau d’éducation des enfants en Afrique du Sud est insuffisante. 

Par Lucie Pennino.

Retrouvez l’ensemble de notre série sur le tour du monde des droits des enfants ici !

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