L’intégration scolaire des enfants réfugiés de guerre

À l’heure où la Guerre en Ukraine est au cœur des tensions, la question de la prise en charge des réfugiés de guerre en Europe préoccupe les esprits. La proximité de ce conflit entraine une réaction d’autant plus forte de la part des pays européens, qui sont nombreux à ouvrir leurs portes aux réfugiés. Que ce soit en Ukraine aujourd’hui, en Syrie, en Afghanistan, au Soudan et dans bien d’autres Etats encore où la paix s’est effondrée, une partie de la population trop importante a besoin de l’accueil et de la solidarité d’autrui. Les guerres s’enchainent, les victimes sont nombreuses et les familles fuient leurs foyers. Du jour au lendemain, ce sont des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui quittent leurs villes pour rejoindre des pays dont la culture, la langue et les mentalités diffèrent.                     

Victimes de la fatalité de ces conflits, nombreux sont les enfants à qui on a volé l’enfance, l’innocence et surtout, l’éducation. Entre écoles détruites, « transits » dans les camps sans aucun enseignement, voyages à rallonge vers les pays d’accueil, la guerre et ses conséquences détruisent l’éducation, la fragilisent et la rendent même pour certains inaccessible. 

L’éducation est un des droits universels de l’Homme, permettant non seulement à chacun de recevoir une institution, mais aussi de s’épanouir et de s’intégrer dans la vie sociale. Ce droit doit être protégé et ne se limite pas aux frontières ni même à la nationalité : la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés prévoit en son article 22 que « les Etats contractants accorderont aux réfugiés le même traitement qu’aux nationaux en ce qui concerne l’enseignement primaire », et qu’ils sont tenus de leur accorder un traitement « aussi favorable que possible ».

L’école est un acteur d’intégration essentiel pour les enfants. Dans le cas si particulier des enfants réfugiés, marqués par des événements d’une brutalité qu’ils ne devraient pas connaitre, l’accès à l’éducation permet non seulement de poursuivre (ou entamer, pour certains) la scolarité, mais aussi de limiter les traumatismes, mais aussi d’en réduire les risques de dégradation. Accueillir ces enfants dans les écoles est, dès lors, fondamental pour leur santé mentale. 

En France, l’enseignement est particulièrement standardisé. Il suit un modèle « d’intégration uniforme » : l’hétérogénéité des élèves ne fait pas l’objet d’enseignements individualisés, ceux qui ne sont pas au niveau dans le groupe sont destinés à redoubler ou à se diriger vers des voies plus professionnelles. Ce système rend l’intégration de ces enfants réfugiés d’autant plus complexe, notamment en raison de la grande barrière de la langue. Ces enfants dont la langue maternelle diffère de la langue du pays dans lequel ils résident et dans lequel ils ont accès à l’enseignement, alors qualifiés d’allophones, nécessitent une attention spéciale. 

De plus, si l’école doit être universelle, cela n’exclut pas que les systèmes scolaires divergent d’un pays à l’autre, et que les enfants en grandissant s’imprègnent d’une méthode d’enseignement qui peut être très difficile à allier à celle qu’ils doivent adopter dans leur nouvelle école. Il faut aussi prendre en compte les disparités des qualités de l’enseignement, et la triste réalité que, dans certains pays, l’enseignement reste quasi inexistant. Des études menées en 2015 avaient fait apparaitre que plus de la moitié des enfants syriens intégrés dans les écoles en France n’étaient pas scolarisés auparavant, plusieurs d’entre eux ayant en plus passé un long moment dans des camps de réfugiés. Ainsi, même s’il est impossible de prendre en compte l’histoire de chaque enfant réfugié, il faudrait trouver une approche éducative plus nuancée et tenter de prendre en compte les différentes méthodes éducatives que les enfants ont pu suivre antérieurement.

Face à la situation des réfugiés d’Ukraine, Jean-Michel Blanquer a manifesté sa volonté de scolariser tous les enfants réfugiés. En ce sens, l’adjoint à la mairie de Paris en charge de l’éducation et de la petite enfance, Patrick Bloche, a affirmé que les enfants ukrainiens seront accueillis par les crèches et les écoles parisiennes. La volonté première est de les placer dans les Unités Pédagogiques pour Élèves allophones (UPE2A*) afin de surmonter la barrière posée par la langue, rendue d’autant plus complexe par le fait que l’alphabet ukrainien ne soit pas le même que le nôtre. Néanmoins, bien que des supports aient été mis en place pour aider les enseignants, toutes les classes ne disposent pas de ce dispositif, et les places y sont limitées. L’intégration de ces enfants, pourtant fondamentale, représente un défi majeur pour les enseignants. 

Malgré les difficultés que cela représente, comprenant un investissement important de la part des enseignements mais aussi des parents d’élèves, ainsi que toute l’organisation et la charge administrative, la solidarité doit persister et s’imposer plus que jamais aujourd’hui. La manière dont ces enfants qui fuient la guerre sont accueillis aujourd’hui aura un impact crucial sur ce qu’ils deviendront plus tard. Ayant déjà vécu trop d’horreurs pour leur jeune âge, c’est à nous de faire preuve de la plus grande générosité possible pour qu’ils ne se construisent pas sur ces souvenirs mitraillants et destructeurs. 

*Que sont les UPE2A ? C’est une forme de scolarisation spéciale pour les enfants allophones nouvellement arrivés : dans le cadre d’une école inclusive, il est important de prévoir des dispositifs d’enseignement prenant en compte la situation de ces élèves dont la langue maternelle n’est pas la même que la langue d’apprentissage. Le dispositif est ouvert aux enfants à partir de 6 ans. Même si toutes les classes n’offrent pas ce dispositif, des supports sont tout de même mis au point pour aider les enseignants. 

Cet article n’engage que son auteur. 

Alice Garnier 

Source image : Humanium

Sources : L’école française face aux nouvelles figures de l’immigration : le cas d’enfants de migrants roms bulgares et de réfugiés syriens dans des territoires scolaires contrastés, Alexandra Clavé-Mercier, Claire Schiff, Raisons éducatives, 2018  

Convention de 1951 relative au statut des réfugiés – UNHCR

https://www.france24.com/fr/europe/20220316-à-paris-les-écoles-se-préparent-à-accueillir-des-enfants-ukrainiens 

https://www.francebleu.fr/infos/societe/refugies-ukrainiens-comment-l-ecole-s-organise-pour-accueillir-les-enfants-1648143244

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