Enfant-soldat : Une arme durant la Guerre du Mali

Adoptée à Addis-Abeba lors de la 26e conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Organisation de l’Unité Africaine entre le 9 et 11 juillet 1999 et entrée en vigueur a posteriori le 29 novembre 1999, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant s’inspirant de la convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, ainsi que de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, est le premier traité sur le continent africain à fixer à 18 ans l’âge légal de conscription et de participation à un conflit. Les 53 États parties à ce traité se sont donc engagés à lutter contre le phénomène d’enfants-soldats.

Néanmoins, en dépit de ce traité et de nombreuses autres initiatives afin d’interdire cette pratique en Afrique, le scandale des enrôlements forcé d’enfants de moins de 18 ans n’est non seulement pas résolu, mais tend même à s’accroître. De nombreux groupes rebelles et terroristes recrutent ostensiblement des enfants dans leurs rangs afin d’en faire des armes, des kamikazes, des esclaves sexuels, des démineurs…

La militarisation des enfants s’est alors drastiquement généralisée au Mali depuis le déclenchement de la guerre le 17 janvier 2012 :

À la suite de l’insurrection des rebelles Touaregs du Mouvement National de la Libération de l’Azawad (MLNA) et de groupes salafistes djihadistes dans le nord du pays en mars 2012, l’armée malienne, jugeant le gouvernement incompétent, réalise un coup d’État. Avec le renversement du gouvernement, désorganisant ainsi le pays, l’État est plongé dans un chaos sans limite. De nombreux groupes rebelles et islamistes tels que Ansar Dine, le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), ou encore Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) prolifèrent alors et étendent leur influence dans le pays. Ces groupes armés enrôlent plusieurs centaines d’enfants qui prennent usuellement une place active dans les combats.

L’enrôlement coercitif de ces enfants se fait généralement à coup de raids violents et de rapts dans des zones isolées et peu protégées. Ces enlèvements ne visent pas de profil-type. Ainsi, des enfants dès l’âge de 7 ans ainsi que des jeunes filles se retrouvent dans les rangs de ces organisations. En outre, ces organisations rebelles ont aussi profité de la pauvreté présente dans les régions du nord afin de faire adhérer par des promesses d’aides financières un certain nombre d’enfants au sein de leurs rangs.

C’est de cette façon que ces enfants se retrouvent sous le joug de ces organisations qui y trouvent plusieurs intérêts. Selon des rapports d’UNICEF et de Human Rights, ces enfants sont utilisés de manière polyvalente. Ils peuvent adopter un rôle actif aux combats et donc faire de l’espionnage et participer aux affrontements, ou bien adopter un rôle passif. Dans ce dernier cas, ils sont utilisés comme cuisiniers, à des fins sexuelles ou contraints au mariage. De plus les enfants sont considérés comme “bon marché” par ces groupes armés, et traités dans des conditions inhumaines et dégradantes. Il n’est pas nécessaire pour ces organisations de leur fournir un salaire, ni même de les équiper correctement : ils représentent un faible coût financier. Subséquemment, ces enfants-soldats, facilement endoctrinables par ces organisations qui usent souvent de drogues, perdent tout sens des notions de bien et de mal et subissent une désaffiliation totale avec le monde commun, ce qui complexifie donc un retour à la vie civile.

Dans l’intention de lutter contre l’enrôlement de ces enfants dans ce conflit, UNICEF exhorte l’État du Mali à appliquer le protocole facultatif concernant l’implication des enfants dans les conflits armés, adopté le 25 mai 2000 par l’assemblée générale des Nations Unies, ainsi que les principes et lignes directrices sur les enfants associés aux forces ou groupes armés (ledit principes de Paris) adoptés en février 2007 à Paris.

UNICEF, avec l’aide de nombreuses autres organisations telles que Human Rights, a dressé un plan de réponse humanitaire à cette crise, dont les objectifs sont de fournir une protection de l’enfance au Mali, extraire ces enfants d’organisations armées, fournir un soutien psychologique intensif adapté à leur âge et sexe, pouvoir les réinsérer à long terme dans une vie normale et enfin leur apporter une assistance multi-sectorielle. Par ailleurs, réussir à réunir ces enfants avec leurs familles est l’un des principaux objectifs d’UNICEF, ce qui représente une tâche ardue en raison des déplacements de ces familles en conséquence de la guerre. Ainsi en 2020, UNICEF a permis à près de 510 enfants associés à des groupes armés de bénéficier d’un accompagnement de sortie et de réintégration à la société.

En conclusion, l’exploitation d’enfants soldats par des organisations armées est un fait qui ne peut être ignoré par la société internationale. Les nombreux traités et engagements internationaux peinent à lutter contre cette pratique et cela se manifeste notamment dans la guerre du Mali. Il est donc nécessaire que les États se mobilisent afin de produire des solutions concrètes et efficientes pour réduire et interrompre cette pratique exécrable, inhumaine et barbare.

Cet article n’engage que son auteur

Yann BOURAIMA 

Source image : Humanium

Sources: https://www.unicef.org/mali/media/1641/file/Enfants%20pris%20pour%20cible%20Rapport.pdf

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/01/23/les-enfants-soldats-en-premiere-ligne-de-la-guerre-au-mali_1821429_3212.html

https://www.unicef.org/mali/communiqu%C3%A9s-de-presse/journ%C3%A9e-internationale-des-enfants-soldats-lunicef-appelle-%C3%A0-mettre-fin-au

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