Dans le cadre de notre série consacrée aux droits des enfants dans le monde, nous vous proposons aujourd’hui de s’intéresser au Maroc. Bonne lecture !
La situation des enfants au Maroc : des progrès constants mais encore insuffisants
« Pour un Maroc digne de ses enfants », tel est l’objectif du Plan d’Action National pour l’Enfance (PANE) mené depuis 2006 par les autorités marocaines. Le Maroc est un pays relativement jeune puisque qu’un tiers de la population a moins de 17 ans.
Entre progrès et failles
Depuis les années 1990, le Maroc s’est efforcé d’améliorer les conditions de vie et l’effectivité des droits des enfants. Le taux de mortalité infantile chez les moins de cinq ans ont nettement baissé et se rapprochent des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). La pauvreté des enfants du monde rural et l’éducation primaire a quasiment été généralisée (98%). Ces améliorations ont vu le jour grâce à l’adoption par l’Etat marocain du Plan d’Action Nationale pour l’Enfance, et par le biais de réformes notamment celles du Code de la famille et du Code de procédure pénale marocain pour assurer leur conformité avec la Convention des droits de l’enfant que le Maroc a ratifié. Ces progrès ont permis à l’Etat marocain de mettre en place des mécanismes de protection de l’enfance contre toutes les formes de violence, mais aussi la création d’unité de protection, et l’interdiction du travail des enfants de moins de 15 ans et leur insertion scolaire.
Malgré des progrès significatifs, des failles persistent comme l’a souligné l’UNICEF dans ses différents rapports sur la situation des enfants au Maroc de 2006, 2015 et 2018. Près de 15% de la population marocaine vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Le Maroc éprouve des difficultés dans les domaines de la santé, de l’éducation et de lutte contre la violence faites aux enfants. Même si la situation des enfants en milieu urbain peut s’apparenter à celui des pays occidentaux, il existe de fortes inégalités entre le milieu urbain et rural. La disponibilité et l’accessibilité des services d’éducation, de santé et de protection sont insuffisantes ou inexistantes dans les milieux les plus pauvres et les plus reculés.
L’accès à l’éducation
Pour ce qui est de l’accès à l’éducation, environ 88% des enfants marocains aujourd’hui sont scolarisés. Depuis 2002, l’école est obligatoire et gratuite pour tous les enfants de 6 à 15 ans. La scolarisation universelle au niveau primaire est presque atteinte et concerne tant les filles que les garçons dans les milieux ruraux et urbains. Cependant, plus on avance dans les années d’études (notamment collège et lycée), et plus les inégalités dans l’accès à l’éducation entre zones rurales et urbaines, entre filles et garçons augmente.
Le travail des enfants constitue l’un des obstacles principaux à leur scolarité. A titre d’exemple, le travail des enfants âgés de 7 à 15 ans concernait 69 000 enfants en 2014. Bien que l’école soit gratuite, les parents vivant dans la pauvreté ne peuvent se permettre d’acheter des fournitures scolaires ou de payer le transport de leurs enfants. Ces familles sont parfois contraintes d’envoyer leurs enfants travailler afin qu’ils rapportent de l’argent. Cette situation nous amène à un triste constat : environ un enfant sur deux de plus de 10 ans est analphabète. On retrouve les enfants non-scolarisés principalement dans les milieux ruraux et au Sahara. En effet, dans le milieu rural, un enfant sur cinq travaille parallèlement à sa scolarité, plus d’un enfant sur deux a du quitter l’école et un enfant sur cinq n’a jamais fréquenté l’école de sa vie.
L’accès aux soins
Pour ce qui est de l’accès aux soins, les enfants marocains des zones rurales ont trois fois plus de risque de mourir avant l’âge de 5 ans que les enfants des zones urbaines. Il faut tout de même préciser que le Maroc réalise dans ce domaine des progrès significatifs pour réduire ce chiffre.
La santé de l’enfant au Maroc de manière générale est en nette progression, même si elle reste inégalitaire entre les milieux aisés et les milliers les plus pauvres. En effet, certains enfants ont accès à des soins appropriés notamment dans les milieux ruraux aisés, tandis que d’autres venant des quartiers populaires, régions rurales ou enclavées n’ont même pas accès aux soins les plus fondamentaux. Ainsi, malgré une évolution positive, les enfants issus des familles les plus pauvres ont encore presque deux fois plus de risques de mourir avant leur premier anniversaire que les enfants de milieux aisés.
Les violences
Pour ce qui est des violences physiques, verbales et psychologiques, le Maroc fait face à un triste constat : neuf enfants sur dix en sont victimes.
L’exploitation sexuelle des enfants, et principalement des jeunes filles, est encore trop présent dans le pays. L’éducation des enfants se fait encore trop souvent dans la violence et dans les châtiments corporels.
Au Maroc, bien que l’âge légal pour se marier soit de 18 ans, il est possible de marier deux mineurs d’au moins 16 ans après avoir obtenu une autorisation préalable du juge. 16% des filles mineures sont déjà mariées. Environ 3% des femmes mariées, âgées entre 20 et 24 ans, ont été mariées avant l’âge de 15 ans.
Cependant, il est important de souligner que l’Etat marocain a créé dans certaines villes des unités de protection de l’enfance pour réduire ces violences et éduquer certaines familles dans le but d’éradiquer les violences et répressions physiques. En réalité, la baisse de ces violences ne pourra se faire qu’au niveau de l’éducation de la population, et ainsi changer les mentalités des mentalités pour que la perception de la violence à l’égard des enfants évolue, notamment dans les milieux les plus pauvres.
L’accompagnement des minorités
Tous ces problèmes sont d’autant plus marqués pour certaines catégories d’enfants : les enfants porteurs de handicap, les enfants orphelins ou issus d’une relation hors mariage et les enfants migrants.
Les enfants porteurs d’un handicap rencontrent des difficultés d’accès à l’éducation, à la rééducation, aux soins et aux loisirs. Le nombre et la qualité des institutions spécialisées pour les personnes portant un handicap sont encore trop peu conséquents.
Chaque année 2% des enfants sont abandonnés sur l’ensemble des naissances du pays. La religion a une place importante dans le pays, ainsi les grossesses hors-mariage sont mal vues. Les mères célibataires, par crainte des répercussions, fuient souvent le domicile familial afin de cacher la grossesse puis abandonnent l’enfant. Le Maroc ne dispose pas encore d’institutions adaptées pour accueillir la mère et l’enfant, ce qui pousse le plus souvent les mères à abandonner leur enfant. Cependant, la loi de la Kafala (mise en place en 2002) a consacré la prise en charge de la protection, de l’éducation et l’entretien d’un enfant abandonné. Pour autant, cette loi n’a pas donné de droit à la filiation ni à la succession pour ces enfants concernés, et les enfants vivant dans la rue sont encore trop nombreux.
Pour rappel, le Maroc constitue l’une des terres d’accueil de migrants les plus importantes en Afrique. L’accès à l’éducation et aux soins pour les migrants et leurs enfants sont quasi-inexistants. Seuls les soins pour les migrants en cas de maladies graves transmissibles sont prévus, mais ces derniers sont exclus du Régime d’Assistance Médicale classique. Ainsi, ce sont bien ces enfants dont les conditions de vie sont les plus difficiles.
Pour conclure, malgré tout ce qui a été énoncé plus haut, il est important de souligner les efforts menés par le Maroc pour améliorer la situation des enfants. La mortalité infantile a baissé, de même que le taux de malnutrition et d’analphabétisme. La situation est certes loin d’être idéale, mais de nombreuses associations ont vu le jour et ont pu développer différentes plateformes et réseaux de défense et de promotion des droits des enfants. C’est dans ce cadre qu’UNICEF, à travers ces différents rapports, et d’autres organisations internationales continuent d’accompagner et de soutenir le Maroc vers une meilleure équité dans la réalisation des droits de l’enfant.
Par Shahrazade Sabil.
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