C’est au tour du Madagascar d’être analysé via le prisme des droits de l’enfant au sein de notre série “Tour du monde des droits des enfants”. Bonne lecture !
La situation de Madagascar
A Madagascar, la pauvreté est un fléau. Pour de nombreux malgaches, chaque jour est un nouveau combat pour s’extirper de la misère. Touché par la crise économique de 2008 et par un coup d’Etat en 2009 fruit d’émeutes, le pays vit dans une instabilité constante. L’élaboration de politiques structurelles ambitieuses peine à se mettre en place, les dialogues entre les différents acteurs s’éternisent, les budgets se réduisent. La pauvreté, elle, s’étend et se renforce.
Les enfants, premières victimes du dénuement
Les premières victimes de ce dénuement extrême sont les enfants. Selon un rapport de l’Unicef datant de 2012, 82% des moins de 18 ans vivaient sous le seuil de pauvreté. Les corps s’affaiblissent, meurtris par la faim. Ainsi 50% des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique, nombreux sont victimes de carences sévères. Cela se traduit par des retards de croissance grave. Ces problèmes de développement s’allient à des conditions sanitaires difficiles. Ces jeunes organismes se fragilisent et sont plus sujets aux infections.
Les maladies diarrhéiques liées à l’insalubrité de l’eau ou encore le paludisme constituent les causes principales de mortalité chez l’enfant. Les ravages des IST (Infection Sexuellement Transmissible) sont également très présentes chez les adolescents. Les infrastructures médicales, hospitalières et l’accès au soin manquent surtout dans les campagnes. Le droit à une vie saine, à la santé n’est pas effectif pour des milliers de jeunes malgaches.
L’accès à la scolarisation
Le droit à l’instruction est contrarié pour de nombreux enfants. Malgré l’action d’ONG et des communautés religieuses pour assurer l’accès à l’éducation pour tous, 14,2% des jeunes malgaches n’ont jamais pu étudier au sein d’une salle de classe. Là encore, les zones rurales sont plus durement touchées. Il est néanmoins intéressant de souligner que le taux de scolarisation des filles est encourageant face à d’autres Etats africains.
Le pays manque de personnel, d’équipements, d’infrastructures alors que les crédits alloués sont réduits. Cependant le problème n’est pas seulement matériel : l’extrême pauvreté oblige beaucoup d’enfants à aller travailler dans les champs et les commerces afin de soutenir financièrement leurs familles. Ainsi, toujours selon un rapport de l’Unicef, 40% des jeunes malgaches déclarent avoir travaillé avant l’âge de 18 ans. Ces travaux sont souvent rudes pour le corps et dangereux. Certains enfants oeuvrent dans les mines (pierres précieuses…), les risques d’infections pulmonaires et d’écroulement planent constamment sur eux.
L’exploitation et le tourisme sexuel progressent dans les grandes villes ou à proximité des sites pétroliers et miniers. Le Comité des droits de l’enfant relève que des jeunes filles sont envoyées dans les pays voisins et au Moyen Orient où elles deviennent des esclaves domestiques et sexuelles. Cette traite d’être humain condamne ces enfants à une vie misérable : assujetti et prisonnier à l’âge où l’on commence tout juste à imaginer sa liberté.
Le droit à l’éducation n’est pas effectif pour un grand nombre de jeunes, plus de 35% ne finissent pas l’école primaire. Cela les freine dans leurs perspectives futures et les condamne à rester dans la pauvreté. Ils ne peuvent s’émanciper par le savoir et construire leur indépendance.
Le danger de certaines coutumes
Les droits de l’enfant sont mises à mal par l’existence de quelques coutumes et des pratiques traditionnelles.
Dans certaines régions, la mère accouchant de jumeaux se doit de les abandonner à la naissance (les jumeaux maudits de Mananjary).
Le mariage précoce est inscrit dans les moeurs : plus d’un tiers des filles entre 15 et 19 ans sont mariées ou en union. Ce phénomène accroît les violences perpétrées à leur égard notamment sexuelles. De plus, les méthodes contraceptives sont extrêmement peu utilisées. Selon un classement du World Atlas 2015, au moins 30% des mineurs de l’île ont déjà un enfant.
La violence envers l’enfant est également ancrée dans les normes. Elle est souvent considérée comme une méthode d’éducation, d’obéissance dans certains foyers et écoles.
Les campagnes de sensibilisation menées par des ONG, telle que Unicef, aidées de communautés religieuses, oeuvrent pour une nouvelle considération de l’enfant et de ses droits. Le pouvoir malgache légifère également en ce sens : en 2007 l’âge minimum légal du mariage pour les filles est passé de 14 ans à 18 ans. Cependant la justice pour mineur est inexistante. Les enfants ne bénéficient pas de professionnels juridiques spécialisés ni d’espaces propres au sein des lieux de détentions. Vulnérables, ils sont livrés à la violence et à la précarité extrême.
Madagascar est porté par une jeunesse dynamique et puissante. Ce pays, aux multiples richesses et facettes, se doit d’ouvrir à ses enfants un nouveau champ des possibles. La tâche est immense : construire des infrastructures de santé, multiplier les écoles et les professeurs, désenclaver les campagnes, lutter contre tous les types de violence… Une action ambitieuse et coordonnée doit être menée pour permettre aux enfants de s’émanciper, de se révéler, afin qu’à leur tour ils soutiennent l’indépendance et la prospérité de leur pays.
Par Valentine Lapierre.
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